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Page:Paul Bourget – Un divorce.djvu/143

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FIANÇAILLES


bien, l’un et l’autre, quel fantôme venait de les séparer :

— « Vous voyez bien, » dit-elle enfin, « que j’avais raison et que cet entretien doit être le dernier. Allez-vous-en, Lucien, par pitié, si vous ne voulez pas que je meure de chagrin et de honte devant vous… »

Et une telle souffrance était empreinte sur toute sa personne, dans sa physionomie, dans son attitude, dans son geste, dans son accent, que, cette fois, le jeune homme obéit et qu’il sortit de la chambre pour la fuir, pour se fuir lui-même, pour fuir le souvenir de l’autre, apparu soudain dans la première caresse mêlée de désir.


V
fiançailles

Depuis ces quatre années qu’elle était venue s’installer dans cette chambre solitaire de la rue Rollin, Berthe Planat y avait connu bien des heures d’amère méditation, jamais d’aussi tristes que celles qui suivirent cette violente et rapide scène, commencée sur une telle confiance de Lucien, continuée sur cette révolte indignée, et brusquement achevée, par un de ces détours presque fous où se manifeste la frénésie incontrôlable de l’amour, sur cette explosion de passionnée tendresse. Ce fut d’abord, durant toute la soirée et toute la nuit, l’accablement dont s’accompagne la foudroyante survenue d’un accident terrible, prélude certain