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FIANÇAILLES

esprit large est le sien. Ce qu’il hait, c’est le mensonge, et l’on vous a si hideusement menti, — l’injustice, et si quelqu’un a été la victime de l’injustice, c’est vous. Il admire ceux qui ont le courage de leur opinion, et qui l’a eu plus que vous ? — ceux qui cherchent et qui veulent la vérité, et vous ne vivez que pour elle… Non. Je n’ai pas de doute sur sa réponse, et sa réponse, c’est celle de ma mère… Je ne parle pas de mon vrai père. Si la loi m’oblige à demander son consentement, qui suffirait seul, — quelle ironie ! — ce consentement, pour moi, ne compte pas. Mais l’autre, celui de ma mère, compte… Berthe, si je reviens, après mon entrevue avec eux, approuvé par eux, leur ayant fait comprendre qui vous êtes et pourquoi je veux vous donner mon nom, me répondrez-vous encore que c’est impossible ? Me refuserez-vous d’être ma femme ?… »

— « Non, » dit-elle, « je ne refuserai pas. » Elle le contemplait avec des yeux où il put lire le don de cette âme tout entière. Il attira la jeune fille à lui, et, pour la seconde fois, leurs lèvres s’unirent d’un baiser qui, celui-là, ne ressuscita plus le fantôme de l’ancien amant. La vie nouvelle dont avait parlé le jeune homme avait-elle vraiment commencé pour la fille-mère ? Après tant d’années de martyre intime et de farouche renoncement, elle entrevit la possibilité d’un avenir enfin dégagé du cauchemar où elle s’était débattue… Quand ils sortirent, quelques instants plus tard, du petit jardin, où ce chaste et tendre embrassement avait scellé leur promesse, ce fut avec un vœu passionné pour le succès de cette démarche qu’elle le vit s’éloigner dans la direction du Luxembourg. C’était elle qui s’était dégagée de l’étreinte de son ami, en lui disant :