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UN DIVORCE

trop mal… » Elle avait mis ses mains sur sa poitrine, comme pour comprimer les battements trop forts de son cœur. Puis, avec un accent qui les déchira tous deux : — « Mais parlez-moi, parlez-moi donc !… »

— « C’est à lui de te parler, » fit le beau-père en montrant le beau-fils. « Je l’ai amené devant toi pour cela, pour qu’il te répète ce qu’il vient de me dire… Il en a honte maintenant, » continua-t-il, repris par son indignation de tout à l’heure, et comme le jeune homme se taisait : « Sais-tu ce qu’il est venu nous demander ? D’épouser cette fille… »

— « D’épouser cette fille ? » répéta la mère.

— « Oui, » insista Darras, « de l’épouser… Et sais-tu encore à quoi il a comparé ce déshonorant mariage ?… Ces mots me brûlent à les répéter. Mais ce sera son châtiment que tu saches comment il a pensé, senti, parlé… Au nôtre, tu m’as entendu, au nôtre !… Cette aventurière qu’il a ramassée sur les trottoirs du Quartier Latin… »

— « Tais-toi !… » Ce cri du jeune homme, qui s’était à son tour élancé sur son beau-père, se mêla au cri que jeta aussi la mère. Elle les avait séparés. Mais Lucien continuait, s’adressant à elle : — « Dis lui de se taire ou je saurai l’y forcer ! Je lui défends de calomnier cette femme. Je le lui défends… »

— « Tu me défends ? » répéta Darras. « C’est moi que tu insultes maintenant, après avoir insulté ta mère ! »

— « Je ne t’insulte pas, » fit Lucien, « et je n’ai pas insulté ma mère…. Je suis venu ici par déférence pour elle et pour toi, quand je pouvais ne pas y venir. Car enfin c’est mon vrai père qui garde le droit légal de permettre ou d’interdire mon