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Page:Paul Bourget – Un divorce.djvu/196

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UN DIVORCE
VII
silences

Il y a dans l’Évangile une phrase bien mystérieuse sur la venue du Sauveur : « Il sera placé, » est-il écrit, « comme un signe de contradiction. » L’histoire des peuples n’est, depuis dix-huit cents ans, qu’un long accomplissement de cette prophétie. Elle se réalise avec une exactitude pareille et d’une façon plus saisissante peut-être dans d’humbles circonstances, à propos des simples destinées individuelles, chaque fois que le problème religieux se trouve posé, comme il venait de l’être par Gabrielle Darras, dans ses données profondes. Il reste si vivant, ce problème, si actuel, si poignant, que les plus incrédules ne demeurent jamais en face de lui dans cette indifférence que la négation totale impliquerait. Il va ébranler dans notre être moral des cordes secrètes et que nous ignorons nous-mêmes très souvent, celles de nos plus lointaines, de nos plus intimes hérédités. Nous entendons, à cet appel, s’éveiller en nous mille atavismes latents et inconscients, cette inapaisable voix des « morts qui parlent, » comme a dit fortement un grand écrivain. Que nous cédions à cette parole ou que nous lui résistions, elle suscite en nous une personne nouvelle, des sympathies, des répugnances, des volontés où nous ne nous reconnaissons plus. On eût certes étonné Darras au plus haut degré, en lui prédisant qu’un jour sa douce, sa timide Gabrielle, si soumise