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UN DIVORCE

l’Église. Un même retour de piété familiale avait fait désirer au mourant d’être enterré dans le caveau des siens, après avoir si tristement porté leur nom, et de finir comme il avait vu finir son père et sa mère, lui qui avait vécu au rebours de tous leurs principes. Il arrive sans cesse, et précisément chez les hommes de cette espèce, rejetons dégénérés d’une longue lignée de croyants, que le chrétien se réveille au moment suprême par un phénomène où il est permis de voir une preuve, entre mille, de la grande loi de la réversibilité. Toute famille est une. Certaines grâces, accordées dans des instants pareils à un descendant dégradé d’une race pieuse, n’attestent pas moins clairement cette unité, que les malheurs infligés aux héritiers vertueux d’un sang coupable. Ce sont là de ces évidences troublantes, inintelligibles, mais sans elles les détours secrets de la vie humaine seraient plus inintelligibles encore. Le cynique viveur dont les brutalités avaient rendu l’existence commune insupportable à la plus dévouée, à la plus délicate des épouses, et qui s’était remarié lui-même, en dépit de l’opinion de son monde, dans de si basses conditions, — le père inconscient qui n’avait caché à son jeune fils aucun des scandales de ses désordres, — l’incorrigible libertin qu’emportait avant l’âge une maladie provoquée par des habitudes d’ignoble intempérance, s’était rappelé, sur son lit d’agonie, les enseignements de sa lointaine enfance. Éclairé sur la gravité de son état par la consultation qui avait suivi la visite de Darras et peut-être par l’étrangeté même de cette visite, il avait demandé un prêtre. Il avait été administré. Le laconique libellé de cette lettre de faire-part racontait ce