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UN DIVORCE

si pareilles, dues à la discipline identique reçue rue Descartes. C’avait été un malaise de plus que ce rappel, à cette minute, de l’homme dont elle portait le nom. Il aurait été si cruellement surpris de la voir en tête à tête avec ce prêtre, écoutant, sans protester, de telles maximes, subissant une influence si contraire à l’unité morale de leur ménage ! Lui-même lui avait vanté la supériorité d’esprit de M. Euvrard, sans soupçonner que ces éloges adressés au talent mathématique du membre de l’Institut contribueraient, dans un moment de crise, à augmenter son autorité sur une femme qui n’avait jamais appuyé ses besoins religieux que de raisons sentimentales. Pour la première fois, un savant et qu’elle connaissait comme supérieur lui en fournissait d’intellectuelles. En même temps, quelques termes échappés à la véhémence du religieux : — dégénérés, déchet, — l’avaient froissée, presque indignée. De tant d’émotions diverses, une seule dominait, quand l’Oratorien eut achevé son long discours. Il venait, conduit par la rigueur de sa doctrine, d’énoncer le pronostic le plus capable de bouleverser ce cœur inquiet, où la piété renaissante avait commencé d’éveiller de secrets, d’invincibles remords. Depuis longtemps déjà, la crainte d’une expiation suspendue sur ces douze années d’un bonheur qu’elle n’osait plus croire légitime, hantait, obsédait Mme Darras. Cette appréhension constante, et la volonté de s’y soustraire, étaient pour beaucoup dans son passionné désir de se réconcilier avec l’Église, auprès et sous la protection de sa fille. Quand son interlocuteur avait fait une allusion aux épreuves dont elle et son mari pouvaient être frappés, elle avait frissonné. Ce saisissement s’était