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UN DIVORCE

— « Et j’ai dit à papa », fit la petite fille, « que tu ne pouvais pas beaucoup tarder, puisque tu nous avais prêté la voiture, à Mademoiselle et à moi. » Son précoce instinct l’avertissait-il qu’il fallait s’associer à l’explication que son père avait fournie de sa visite ? Celui-ci lui caressa la joue, comme pour la remercier de son aide, tandis que la mère, par un sentiment non moins naturel et pour montrer qu’elle n’avait rien à cacher dans l’enseignement donné à sa fille, répondait à son mari :

— « Tu as pris cette occasion pour regarder un peu ses devoirs. J’en suis bien contente. Tu auras pu constater ses progrès dans la rédaction. »

— « Oui », dit sèchement le père. Et se levant : « Puisque tu es là, ma chère amie, nous allons la laisser continuer son travail. Je la retiens depuis plus d’un quart d’heure. C’est trop… »

— « Oh ! j’ai bien le temps ! » s’écria Jeanne. « Je suis au courant de tous mes devoirs… »

— « Quand il s’agit de sa diligence », insista la gouvernante, « elle expédie bien vite le reste pour se rendre plus libre. C’est le travail qu’elle préfère… »

La maladroite Fraulein embrassait la petite fille en prononçant cet éloge. Elle ne s’aperçut pas que sa remarque sur les tendances pieuses de son élève avait mis une ombre dans les yeux du père, et dans ceux de la mère une angoisse. Ni l’un ni l’autre ne répondit, mais à peine furent-ils hors de la chambre, sur l’escalier qui les ramenait à leur étage, que le mari prit prétexte de cette imprudente phrase. L’emploi du terme ecclésiastique, synonyme d’analyse dans certains catéchismes,