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Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/124

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coup de lance. Messire Olivier courut visière levée et désarçonna son adversaire il fut le premier applaudi ; mais le regard des dames le perdit presque aussitôt dans la foule des champions, et, depuis lors, on le chercha en vain. Quelques minutes après, en revanche, on vit paraître un chevalier couvert d’une armure noire, sur laquelle les clous d’acier poli brillaient comme autant de diamants. Ce chevalier montait un cheval noir du Perche, d’une force extraordinaire. Il avait la visière baissée, et la banderolle rouge qui flottait au bout de sa lance, portait, en lettres d’or, ces mots : À la plus belle ! Le roi Louis XI fit un mouvement à sa vue. Les dames chuchotèrent. Le nain Fier-à-Bras, baissant la voix malgré son effronterie, prononça le nom de l’Homme de Fer. Ce nom courut aussitôt de bouche en bouche dans la foule des bonnes gens échelonnés sur le galet. La cohue se prit à onduler comme une mer.

L’Homme de Fer se mit à la tête des chevaliers des Iles. Son cheval et lui demeurèrent immobiles. Vous eussiez dit une statue équestre coulée en bronze noir.

Le second qui fit un beau coup de lance, fut messire Aubry de Kergariou. Et Dieu sait si Mme Reine triompha, l’heureuse mère ! Aubry n’ayant pu obtenir réponse de Jeannin, là-bas, au bout de la lice, avait gardé la lance que messire Olivier lui avait fait remettre. Le sort le plaça en face d’un grand gaillard de Flamand qui vint sur lui au trot d’un cheval d’Alsace, lourd comme un éléphant, Aubry, à tout hasard, coucha la fameuse lance. Comme il se souvenait des nombreuses défaites subies par lui dans ses combats malheureux contre la quintaine, il n’espérait pas beaucoup. Sa lance toucha le Flamand ; le Flamand fut enlevé hors des étriers et roula sur le sable, au grand contentement de l’assemblée.

Aubry baissa la tête. L’élément viril naissait en lui, car il n’osa regarder ni Jeannine, qui avait les larmes aux yeux, ni sa mère, qui battait des mains, ivre d’orgueil. Sa lance le brûlait ; il avait honte de sa victoire. On mûrit vite à ces heures solennelles, sous le regard de ce grand juge qui s’appelle le monde. Aubry sentit sa conscience au bruit des applaudisse-