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Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/126

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courage, qu’à la passe d’armes du 9 juin 1434, donnés en la place des Lices, à Rennes, du temps du duc Jean V, par le grand connétable Arthur de Richement, je fus choisie pour dame de beauté. Je venais d’épouser en secondes noces Jacques Trublet, chevalier, seigneur de la Croix-Mauduit et autres lieux ; j’allais sur ma trente-cinquième année ; mais nous gardions alors, à ce âge-là, tout l’éclat de la première jeunesse. Je me souviens que je fis au connétable trois révérences de dignité seconde, en ajoutant le passe-pied, pour le sang ducal dont il était. J’eus son bras, je dis le bras de M. le connétable, pour aller au château de la Tour-le-Bât où était la collation servie. Et je me souviens qu’au deuxième service, y compris le relevé, j’eus l’occasion…

— Regardez, noble dame, regardez ! s’écria maître Biberel, qui se penchait en avant.

Bette joignit les mains et resta bouche béante.

— Qu’y a-t-il donc ? demanda la douairière ; on n’y voit presque point ici, et nous aurons bientôt la brune en plein midi !

Hélas ! le soleil ruisselait sur le sable d’or, et les armures partout étincelaient. Ce n’était pas le monde qui vieillissait, mais bien les yeux de dame Josèphe. Heureusement pour les douairières qu’on allait bientôt inventer les besicles.

Ce qui avait motivé le cri de maître Biberel, c’était le choc terrible de deux chevaliers, qui avaient jeté leurs tronçons de lance pour prendre la hache d’armes. On n’en était plus aux bagatelles. La joute sérieuse s’entamait. Les deux chevaliers combattaient pour la couronne d’or émaillé que la dame de Torcy tenait à la main, et, en ce moment même, les hérauts, désignant le prix à haute voix, exhortaient les deux champions à bien faire.

Il n’était pas besoin. L’un des deux champions, dont l’écu n’avait ni armoiries ni devise, avait fourni la course à la lance en hommes d’armes consommé. On disait autour de l’enceinte que c’était Jean, comte de Dunois ; l’autre était l’Homme de Fer. Tous deux y allaient de franc jeu ; leurs armures faisaient