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Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/130

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prendre son rosaire. Elle avait respiré, la veille au soir, dans le salon du Dayron, le même air que l’Ogre des îles !

— Le connais-tu, Araignoire, le connais-tu ? demandait-on au nain de toutes parts.

Fier-à-Bras se rengorgea.

— J’ai voyagé ce matin sous son manteau, repliqua-t-il, et, si j’avais voulu, il m’aurait acheté un domaine !

On se tut parce que l’Homme de Fer, ce démon à visage d’ange, passait devant le front de la foule. Les chevaliers de France et ceux de Chaussey l’escortaient en cérémonie.

— Que fait-il donc là ? demanda Fier-à-Bras quand il fut éloigné.

— On dirait qu’il a rompu en deux la couronne, répondit Catiolle la mareyeuse.

C’était vrai. Le comte Otto, soit à dessein, soit par distraction, avait brisé le fil d’or qui retenait les feuilles et les fleurs de la couronne. Sa main tenait encore les deux moitiés réunies, quand il salua le duc de Bretagne et sa suite. Les chevaliers bretons ne se joignirent point au cortège. Aubry tout seul, au grand étonnement de sa mère, mit son cheval au pas de celui du comte Otto.

Aubry avait-il surplis le regard que le comte vainqueur avait lancé vers l’estrade où étaient Berthe et Jeannine ?

Le comte Otto arrivait aux gradins nobles. Quelques dames agitèrent leurs écharpes. C’était le moins qu’on pût faire pour un ogre si merveilleusement beau. L’Homme de Fer se comporta en galant chevalier, mais il ne lâcha point sa couronne et continua d’aller en avant. Il s’arrêta court devant l’estrade où s’asseyaient les hôtes du Dayron. Sa lance s’agita par trois fois, déroulant au vent la devise : À la plus belle !

La foule noble des gredins et la pauvre cohue pressée sur les galets, curieuses l’une autant que l’autre, tendirent à la fois leurs mille têtes. Pour qui parlait la devise du comte ? On allait enfin le savoir. Le comte, en effet, suspendit la couronne à la pointe de sa lance la devise éloquente donnait un sens précis à son hommage. Il s’inclina jusqu’à toucher du front la crinière