Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/23

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— Chère demoiselle, dit Jeannine timidement, si vous êtes menacée, messire Aubry vous défendra.

— Toi et moi, ma fille ! s’écria Berthe avec vivacité, comme si elle eût voulu mettre sur les épaules de Jeannine la moitié du fardeau de ses appréhensions ; la menace est pour toi autant que pour moi… Est-ce que tu ne crains pas ?

— Qu’ai-je à perdre, moi ? repartit Jeannine en détournant la tête ; non, je ne crains rien.

— La vie…

— Ma vie et ma mort sont dans la maison de Dieu.

— L’honneur…

— Comment prendre l’honneur de celles qui ne tiennent plus à la terre ?

— Mais tu as donc bien souffert, Jeannine ? demanda Mlle de Maurever, qui se rapprocha d’elle ; autrefois tu étais si heureuse et si joyeuse !

— Autrefois, répéta Jeannine en laissant échapper un soupir, j’étais une enfant ; les enfants ne savent pas.

— Et que sais-tu, maintenant, ma fille ?

— Je sais que le bonheur est au ciel.

— Voyons ! fit Berthe en baissant la voix, ne veux-tu point me confier ton secret ?

— La dernière lettre est tracée ! s’écria Jeannine, éludant ainsi la question.

Berthe reporta son regard vers la tente. Les lettres noires formaient les quatre mots de la devise de l’Homme de Fer : à la plus belle !

En ce moment, un sourd tumulte se fit dans la plaine bretonne on eût dit le bruit d’une lutte qui avait lieu vers la cabane du bonhomme Rémy, l’heureux impressario, en train de faire sa fortune. Des cris et des malédictions s’élevèrent bientôt les lanternes et les lampions qui entouraient la baraque s’éteignirent ; de tous les coins divers où la foule s’était éparpillée, la foule s’élança vers la loge du bonhomme Rémy. Une nouvelle s’était répandue dans l’assemblée avec la rapidité de l’éclair.