Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

là quelque part guettant d’un regard espiègle le réveil des deux jeunes filles.

Ce fut Berthe de Maurever qui ouvrit les yeux la première. La frange de l’écusson lui chatouillait le front. Un rayon de soleil faisait luire les lettres d’or de la devise. Berthe saisit l’écusson et l’arracha. Ses sourcils délicats se froncèrent, tandis qu’elle regardait Jeannine qui dormait, la tête appuyée sur son bras arrondi et le sourire aux lèvres.

– Toujours entre elle et moi ! se dit Berthe jalouse avant d’être effrayée.

Puis l’effroi vint.

– Quelqu’un est entré ici ! pensa-t-elle.

On entendit dans la pièce voisine dame Josèphe de la Croix-Mauduit qui avait sa quinte de toux du matin. À ce signal bien connu, tout s’agita dans la chambre à coucher de la douairière. Le faucon de grand âge secoua son chaperon et changea de patte sur le perchoir ; les vieux chiens s’étirèrent et jappèrent comme c’était leur devoir ; la vieille camériste se mit sur son séant et dit :

– Noble dame, que Dieu et la Vierge veillent sur vous durant cette journée. Ainsi soit-il.

– Noble dame, prononça presque en même temps le vieil écuyer qui entr’ouvrit la porte ; que Dieu et la Vierge vous aient, durant cette journée, en leur digne garde. Amen.

– Merci, Bette, ma mie, répondit dame Josèphe de la Croix-Mauduit, comme elle le faisait régulièrement depuis un demi-siècle, donnez une caresse aux chiens, ce sont des animaux fidèles : l’histoire ancienne rapporte nombre de traits qui prouvent le dévouement intelligent dont ces animaux sont susceptibles… Merci, maître Biberel, vous apporterez la provende du faucon, c’est un noble oiseau ; les Grecs ni les Romains ne connaissaient point sa valeur. La gloire du faucon est née avec la chevalerie. Je souhaite, Bette, ma mie, et vous, maître Biberel, que vous passiez heureusement cette journée dans la crainte de Dieu et l’horreur du péché. Soyez prudents et discrets ; on peut manquer de prudence et de discrétion à tout âge :