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Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/9

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une trinité maudite : L’Homme de Fer, l’Ogre des Îles et ce jouvenceau pâle dont les cheveux noirs bouclaient sur un front d’albâtre.

Le baron Olivier était si pâle ! La plume du corbeau n’était pas plus sombre que ses cheveux.

Depuis le moment où Berthe de Maurever, la noble fille, avait élevé la voix pour défendre l’honneur des vierges bretonnes, madame Reine ne l’avait point quittée. Tant que les hautes fenêtres du salon donnèrent passage aux lueurs du crépuscule, madame Reine avait remarqué l’œil ardent de messire Olivier fixé incessamment sur Berthe. Était-ce rancune ? Berthe restait immobile, les yeux baissés ; dans les demi-ténèbres qui allaient s’obscurcissant de minute en minute, madame Reine crut la voir deux ou trois fois chanceler. Aux dernières paroles de messire Olivier, Berthe porta la main à son cœur et sa tête s’inclina sur sa poitrine.

Madame Reine était une châtelaine de trop d’expérience pour ne point savoir que le serpent fascine à distance le pauvre oiseau condamné. La prose, qui était sa nourriture préférée, ne pouvait la défendre complètement contre le merveilleux qu’on respirait dans l’air à cette époque crédule. Elle frémit en songeant qu’un sort tombait peut-être sur Berthe en ce moment. Son regard se tourna malgré elle vers le fascinateur.

Les porteurs de flambeaux passaient devant messire Olivier, Madame Reine le vit sourire : la flamme de sa prunelle n’allait point à Berthe, ou plutôt elle glissait sur le front vaincu de Berthe et dardait un éclair à Jeannine, qui rougissait et baissait les yeux.

Il est vrai que messire Aubry n’était pas très loin de Jeannine et madame Reine devina que ce n’était pas pour Olivier que Jeannine baissait les yeux.

Certes, elle ne voulait pas de mal à la fille du brave écuyer Jeannin, mais elle se demanda pourquoi le mauvais œil allait à Berthe plutôt qu’à cette petite Jeannine. Le mauvais œil, en allant à Jeannine plutôt qu’à Berthe de Maurever, eût si bien fait les affaires de madame Reine !