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IX

RECHERCHE NOCTURNE


Précédons un peu nos deux braves pour voir ce qui s’était passé la veille au soir dans les deux cabarets du Trou-Punais et de Crèvepanse, car ce n’était pas seulement dans le premier de ces bouges qu’on avait fait la veillée en leur honneur.

La Paillarde, sitôt leur départ, avait été saisie par la crainte vague de ne plus les voir revenir, et la femme en cela n’y était pour rien. En effet, si leur mauvaise étoile les lui ramenait tous les deux, elle se promettait simplement d’allécher le Normand avec des promesses vagues auxquelles elle ne donnerait sans doute aucune suite. Pendant ce temps, l’argent des prévôts tomberait dans son escarcelle et c’était surtout à cela qu’elle était sensible.

Elle restait ainsi dans son jeu habituel, se gardant bien de dépouiller d’un seul coup et dès le premier jour les gogos que la Providence ou le diable lui envoyaient.

On ne se laisse pas écorcher sans crier, affirme un sage dicton ; or, comme notre louchonne ne voulait pas qu’on entendît les cris de ses victimes, elle leur fermait la bouche avec un baiser, en même temps qu’elle mettait la main dans leurs poches. Les quelques privautés qu’on obtenait d’elle se payaient cher et ceux à qui elle les permettait toutes avaient dû montrer devant elle une bourse bien garnie.

On comprend facilement l’intérêt qu’elle portait aux prévôts et surtout, à Passepoil, en qui elle devinait un de ces jobards amoureux qu’on peut mener partout avec une œillade.

Yves de Jugan et Raphaël Pinto avaient un motif d’attendre leurs amis de la veille ; on les a vus, dans un bouge de la rue Guisarde, former au sujet de ceux-ci des projets plutôt déshonnêtes, en compagnie de Gauthier Gendry et de la Baleine.

Ce dernier avait renoncé aux affaires, son commerce de marchand d’amandes ne lui ayant causé que des déboires, sans qu’il y trouvât la compensation d’apprendre ce qu’il voulait savoir. Il n’en avait pas moins un nouveau grief contre les prévôts dont la présence inopinée l’avait empêché de châtier Jean-Marie Berrichon comme il le méritait. Aussi, en attendant de retrouver le gamin, pensait-il pouvoir dès le soir même, se venger sur ses défenseurs.

Si donc l’hôtelière du Trou-Punais en voulait beaucoup à l’argent de Cocardasse et de Passepoil, et fort peu à leur vertu, les quatre gredins cités plus haut n’en voulaient qu’à leur vie et toutes leurs dispositions étaient prises.

Mais ce qu’on souhaite le plus en ce bas monde ne réussit pas toujours. La Paillarde avait beau interroger l’horizon du seuil de sa porte, de même que les bandits avaient eu beau fourbir leurs rapières pour l’honneur qu’elles