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au 2e régiment d’artillerie-pontonniers.

Quelques jours plus tard, je faisais construire une périssoire très légère. Dès que j’avais un moment de liberté, je courais à la Maine à toute heure, par tous les temps. Un jour je partis par une violente tempête, et je luttai jusqu’à ce que ma périssoire se remplît d’eau et se dérobât sous moi. J’éprouvai alors une sensation étrange, toute différente de l’impression fugitive que laisse une vulgaire culbute.

Angers est le centre d’excursions nautiques le plus agréable qu’il soit possible d’imaginer. Les grandes prairies de la Sarthe, les collines gracieuses du Loir, les coteaux escarpés de la Mayenne n’ont pas moins de charme que les rochers schisteux de la Maine, rivière courte et large, sombre et profonde, souvent agitée par le vent de la mer, souvent refoulée par le flot de la Loire. Pendant tout l’hiver, elle se transforme en un lac où se reflètent les tours noires et massives du vieux château d’Angers. Combien de fois je l’ai suivie pour aller chercher l’eau vive et claire, le sable fin de la Loire ! Je remontais alors celle-ci jusqu’à ce que la fatigue me fît tomber au pied de ses grands saules. Je poussais toujours plus loin mes reconnaissances, mais ma périssoire, bonne pour un débutant, ne me suffisait plus. Comme elle n’était pas pontée, elle recueillait toutes les vagues que le vent jetait par-dessus son bordage ; en outre, sa grande longueur rendait difficile son transport en chemin de fer. Une périssoire pontée et divisible m’était nécessaire pour la descente du Rhône, à laquelle je pensais depuis longtemps.

Les vieux pontonniers de Strasbourg, de Lyon et d’Avignon m’avaient parlé de mes promenades sur la Loire comme d’un jeu d’enfant. Au pont Saint-Esprit, au pont d’Avignon, je trouverais, me disaient-ils, plus de danger, d’émotion et de plaisir qu’aux ponts de Cé.