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préface

exagérer les dangers et les périls auxquels j’ai été exposé, je dois cependant à la vérité de déclarer ici que mes pérégrinations n’ont point été dénuées de fortes émotions et de riches souleurs ; d’ailleurs ne dit-on pas : a beau mentir qui vient de loin ; or, comme je ne viens pas de loin, il me serait donc, en dehors même de mes habitudes de franchise, impossible de mentir.

Je ne voudrais pas vous entretenir par le menu de mon itinéraire qui n’a pas duré moins de deux années consécutives ; cependant il me sera bien permis de dire à l’ami Coudreau, que j’ai souvent rencontré sur mon passage, surtout pendant la nuit, en plein premier arrondissement, des tribus infiniment plus sauvages et plus dangereuses que celles avec lesquelles il vivait en si bonne intelligence dans les territoires contestés de la Guyane.

Par une belle nuit froide de décembre 1890, sur les trois heures du matin, aux abords des Halles, je me souviens d’avoir été attaqué par la redoutable tribu des Béni-Saignent-Pantes et j’ai bien failli y laisser ma vie.

Ces tribus sauvages de Paris ont cela de bizarre, qu’à l’encontre des noirs de l’Afrique ou des Indiens de l’Amérique, ce sont elles qui représentent à Paris les Visages-Pâles — oh ! combien pâles — les hommes, blafards et livides, ont à