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Mon berceau

arriveront du grand hall sur le fil mystérieux, désarmant ainsi la colère des plus moroses.

Cette science moderne, ainsi modernisée elle-même par la femme, me semble le plus touchant des spectacles et c’est peut-être bien pour cela que le Parisien aime un peu plus le téléphone que la poste.

Mais sait-on à combien de communications ce grand établissement pourra servir par jour, sait-on bien ce qu’il pourra transmettre de passion, de haine, d’ordres, d’affaires ou de millions dans une journée sur l’aile invisible de la parole, de la pensée tangible et parlée ?

Là, il n’y aura plus à redouter les explosions subites du gaz, les ruptures foudroyantes de conduites, mais il me semble voir un jour de grande panique à la Bourse ou de grandes agitations électorales, le palais surchargé, surmené, surchauffé sous l’accumulation de millions de pensées, éclatant tout à coup et l’électricité — ce fluide — jetant une gerbe de pensées, de paroles, de passions aux quatre vents du ciel.

La raison s’arrête, hésite et titube en voulant supputer ce que cette étonnante officine de la parole pourra entasser et transmettre de pensées en une seule journée à travers la France, que dis-je, à travers l’Europe.