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Enfin, le grand jour de la cour d’assises était arrivé au chef-lieu du département, tout les gens en vue, les femmes surtout, avaient remué ciel et terre pour avoir des places ; tous les avocats du département étaient là ; les grands journaux de Paris avaient envoyé un rédacteur spécial et, dans la salle archi-comble, on aurait entendu voler une mouche lorsque le président commença l’interrogatoire de l’accusé, un grand et bel homme, droit, l’œil franc et respirant la bonté et l’honneur dans toute sa personne.

Il avait écouté l’acte d’accusation silencieusement, se maîtrisant difficilement et essuyant de temps en temps une larme.

Après lui avoir demandé ses nom et prénoms le président lui dit :

— Comment, un homme de votre rang, de votre situation, décoré, marié, père de famille, à la veille d’être représentant du peuple, à cinquante ans passés, a-t-il pu commettre un pareil forfait : violer une jeune fille de vingt ans, presqu’une enfant et, circonstance aggravante, en journée chez vous comme couturière ?

— Mon Dieu, Monsieur le président, je ne cherche pas à excuser mon crime et, bien malgré moi, car je suis résolu à expier, mon avocat le fera pour moi tout à l’heure, mais au lieu de m’interroger longuement, je vous demande la parole pour vous exposer mon cas et me confesser publiquement, comme on le faisait, je crois, dans la primitive église et, après m’avoir