Aller au contenu

Page:Paul Vibert - Pour lire en bateau-mouche, 1905.djvu/230

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 203 —

ne retenir que le geste, comme l’on dit aujourd’hui, en revenant au sens littéral des vieux fabliaux du Moyen-Age ; et je sais bien que devant ce geste héroïque, cet acte sublime d’amour maternel, j’ai tout bêtement pleuré comme un veau et beaucoup de dames à qui je contai la chose, ont fait de même.

Maintenant est-ce bien comme des veaux qu’elles ont pleuré ? J’avoue que, dans mon âme et conscience, je n’oserais l’affirmer.

Mais voilà qui est encore tout à la fois plus rigolo et plus pathétique, si j’ose m’exprimer ainsi ; écoutez un peu :

C’est le 31 mai dernier que l’on a trouvé, non loin de Berlin, sur la berge du Havel, le cadavre d’un homme. À l’endroit précis où l’on a fait cette sinistre trouvaille, quatre communes différentes se rencontrent. Chacune d’elle prétend que le cadavre se trouve sur le territoire de la voisine ; aucune ne veut encourir les frais que comportent le transport et l’inhumation. Toutes ont invoqué les tribunaux administratifs. Les dossiers grossissent, et le cadavre, en putréfaction complète, continue d’empester la contrée.

On se souvient de cette histoire, légendaire en Allemagne, d’un bouton manquant à une tunique de soldat, dans un régiment : on avait dû faire une enquête, et, enfin, au bout de dix ans, la dite enquête, dont on avait perdu le point de départ, remplissait huit ou dix wagons de rapports et de paperasses, et personne n’y compre-