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— Oui, j’avais un gros rhume, il m’était redescendu sur la poitrine ; j’ai failli mourir. Mais j’ai pris une tâupe, une jeune tâupe, une tâupe aveugle ; je l’ai ouverte en deux et l’ai mise sur mon estomac. Ça m’a guéri dans la nuit !

Mais il fallait lui entendre prononcer de sa voix ronde et bon enfant, à pleine bouche : une tôpe, une jeune tôpe, une tôôôpe aveugle !

La salle se tordait de rire et il y avait de quoi !

Mais je reviens aux taupiers dans les campagnes ; depuis qu’ils ont vu qu’ils pouvaient vendre couramment les peaux de taupe soixante centimes pièce, non seulement ils ne tuent plus celles qui se trouvent dans une position intéressante ou les jeunes mères qui donnent le sein à leurs chères petites taupinettes, si j’ose m’exprimer ainsi, mais encore, ils les recueillent, les domestiquent et les élèvent avec le plus grand soin et la plus tendre sollicitude.

Par amour du lucre, ces trappeurs de taupes sont devenus des éleveurs de taupes !

La voilà bien, la puissance des raisons et des transformations économiques dans les sociétés ; la voilà bien surtout, la preuve éclatante, la démonstration irréfutable de l’influence des gilets sur l’Agriculture !

Je m’arrête, car je crois maintenant que tout commentaire ne pourrait qu’affaiblir l’idée de la haute portée et des conséquences incalculables de la révolution économique que je viens de constater et de signaler dans le royaume des taupes !