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crinoline, plate comme une limande, elle eût certainement provoqué un attroupement et eût passée pour une pauvre folle !

Oh ! puissance irrésistible de l’accoutumance de la vie, tyrannie inconsciente de l’habitude, vous n’avez jamais été si victorieusement démontrées que par la souveraineté toute puissante de la crinoline, pendant de longues années !

Combien elles étaient simples et jolies nos mères, nos tantes et nos petites cousines, il y a seulement quarante-cinq ans, par une claire matinée d’été, avec leur robe en jaconas, leur canezou en nankin, remplaçant la trop chaude finette, avec leurs mitaines en filoselle, leur léger mantelet de soie, recouvrant la collerette blanche en broderie anglaise faite par l’aïeule…

Arrivé à la campagne, on quittait le canotier ou la capote pour arborer la capeline, le vaste cabriolet en indienne légère monté sur une armature de fils de fer et les jeunes minois chiffonnés, perdus sous ce monument, comme une tête hiératique de moine sous sa cagoule relevée dans les tombeaux royaux de Notre-Dame-de-Brou, hors les Murs, apparaissaient dans une pénombre provocante et souvent coiffés à la chien, suivant une impériale et impérieuse mode, importée d’Espagne.

C’était le bon temps des petits balais de l’Alsacienne, des grisettes qui ne rêvaient encore qu’à la classique armoire à glace en acajou, en lisant les romans de Paul de Kock.