Page:Paul de Musset - Course en voiturin, Italie et Sicile, 1845, 1.djvu/145

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vantage à chaque pas. Je rentrai à Sainte-Lucie pour fuir une crainte ridicule qui s’emparait de mon esprit. À peine installé dans ma chambre, les bruits sinistres du dehors me jetèrent dans ce monde de sensations qu’on reconnaît les jours de fièvre ou de maladie et qu’on oublie aussitôt que la santé est revenue. Tout ce qui me charmait la veille avait changé de sens et portait un nom nouveau. Hier je disais la liberté, aujourd’hui la solitude. Ce que j’appelais voyage, c’était l’exil ; la belle Italie, terre étrangère ; le doux langage qu’on y parle, jargon insupportable ; la patrie classique de la musique et de la poésie, un sombre enfer, un désert lugubre. Lorsque je me mis au lit, les rideaux et les meubles ne manquèrent pas de revêtir des formes fantastiques. Je perdis la faculté de mesurer les distances, et les quatre murs de la chambre, s’enfuyant à perte de vue, me laissaient couché au milieu d’une plaine. Si je fermais les yeux, c’était bien pis encore : le cerveau, ne recevant plus d’aliments des objets extérieurs,