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encore la main froide et vit la même figure. Cette fois les yeux du fantôme lançaient des feux comme deux émeraudes.

— Seigneur marquis, dit-il, le Turc qui enferme une esclave et la dérobe aux regards la vend quand il ne l’aime plus ; et toi qui ne sais pas le prix de mes tableaux, tu ne veux ni les regarder ni les laisser voir aux autres. Crois-tu que j’aie dépensé mon talent pour que mes ouvrages dorment sous cette fange ? Apprends que tes descendants seront morts depuis des siècles quand le dernier de mes tableaux sera tombé en poussière ; mais enfin, mes toiles n’ont qu’un temps à vivre. Celles-ci sont de mes meilleures. Si demain tu ne les as pas rendus à la lumière, je t’étranglerai sur la place.

Le seigneur D*** était opiniâtre, et il se mit dans la tête de ne point céder. La nuit venue, il veilla tout armé, tenant son épée d’une main et son poignard de l’autre. Ses gens entendirent des voix qui se querellaient, des blasphèmes et des bruits semblables à