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l’axe autour duquel il fait rayonner tout ce qui se rapporte à l’enseignement et à la doctrine de Bouddha, il ajouta une masse d’appendices qui sont des monuments de critique et d’érudition.

Dans l’Introduction, il s’agit de Çâkya Mouni, de sa mission, et du rôle qu’il joue dans la société indienne comme réformateur et comme moraliste, des disciples du maître, de leurs prédications et de leurs prophéties, des écoles dissidentes qui se sont de bonne heure produites sous forme de schismes. De nombreuses légendes y sont analysées ou traduites en entier ; on y surprend la pensée de Çâkya Mouni, telle qu’elle fut interprétée par ses premiers disciples. Le réformateur apparaît d’abord comme un moraliste austère, qui, sans proclamer l’émancipation des castes, prêche l’égalité des hommes en les appelant tous à la loi nouvelle. Cependant, pour expliquer les fins de l’homme, il faut le juger dans ses rapports avec la divinité, il faut aborder la métaphysique. Ici Bouddha, ou au moins ses disciples, se trouvent en opposition directe avec le brahmanisme. Les dieux semblent n’avoir plus de rôle ni dans le ciel ni sur la terre ; ils n’agissent plus ; à peine si on les sent exister. L’homme a-t-il une âme ? Les uns l’affirment, les autres n’ont pas l’air de s’en inquiéter. Comme tout ce qui l’entoure, l’homme passe successivement par toutes les formes de la vie ; la place qu’il occupe dans l’échelle des êtres vivants dépend, il est vrai, du mérite des actions qu’il accomplit en ce monde ; mais le temps épuise le mérite des actions vertueuses, tout comme il efface la faute des actions perverses. La récompense suprême de celui qui a pratiqué le bien pendant une foule d’existences, se réduit à épuiser le temps, à arriver au Nirvana, c’est-à-dire à l’anéantissement final ! Le méchant en est quitte pour revivre dans des conditions inférieures, expiant ainsi ses crimes dans une suite de purgatoires, à la fin desquels il trouve, lui aussi, l’anéantissement[1]. C’est la première fois que la théorie de l’expiation aboutit à ce résultat négatif et désespérant. Du panthéisme, qui est son point de départ, la doctrine bouddhique arrive droit à l’athéisme.

Dans les appendices, M. E. Burnouf s’occupe particulièrement de disserter sur la valeur des expressions bouddhiques ; il cite les textes, il compare les mots sanscrits aux mots palis, il fixe le sens des formules employées par les adeptes. Cette partie de son travail en ren-

  1. Voir Introd. à l’Hist. du Bouddhisme indien, p. 152 et 153.