Page:Pavie - Notice sur les travaux de M. Eugène Burnouf.djvu/21

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civaïtes. Une fois que la superstition reparut, elle s’inspira aux sources déjà connues. Les êtres fantastiques, compagnons de Çiva, se montrèrent de nouveau triomphants dans l’espace fort mal défini où trônait placidement Çâkya Mouni.

Ce qui étonne dans tous les travaux de M. E. Burnouf, c’est la rapidité avec laquelle il se rend maître du sujet qu’il aborde. Devant une étude nouvelle, il met le siège comme devant une place forte, et bientôt les obstacles tombent, les difficultés sont vaincues, chacun peut pénétrer sur les pas du maître au cœur de la citadelle inaccessible. Cette Introduction à l’Histoire du Bouddhisme, et ce Lotus de la Bonne Loi, qui exigeaient la connaissance complète d’une foule de manuscrits et de tout un système philosophique et religieux, il les entreprit et les mena à fin tout au travers d’une publication aussi considérable : nous voulons parler du Bhâgavata Pourâna.

Avant d’entrer dans quelques détails sur le Bhâgavata Pourâna, il n’est peut-être pas inutile de rappeler que les études indiennes en Europe ne datent que d’un demi-siècle. Il n’est donc pas surprenant que le public, chez nous, en connaisse si peu de chose ; et on nous permettra de dire, le plus brièvement possible, ce que sont les Pourânas. Les livres ainsi nommés dans l’Inde forment un ensemble de dix-huit ouvrages dont le titre porte le nom d’une divinité, soit que cette divinité l’ait elle-même révélé, soit que les poëtes-brahmanes l’aient composé en son honneur et à sa louange. Ces livres sont des poèmes considérables, qui, dans leur ensemble, comprennent environ seize cent mille vers. Écrits primitivement en sanscrit, ils ont été pour la plupart, traduits dans les dialectes vulgaires de l’Inde, et ils sont encore aujourd’hui entre les mains des Hindous de tous rangs qui en font leur lecture habituelle. On ignore le nom de leurs auteurs et l’époque à laquelle ils ont commencé à se répandre parmi les populations sur lesquelles ils ont exercé une grande influence. Les Hindous les considèrent comme révélés et en attribuent la rédaction à Vyâsa, le compilateur des Védas : cette croyance inadmissible ne prouve qu’une chose, la haute antiquité des Pourânas. Cependant ces Pourânas antiques ayant été détruits ou perdus, on les a refondus et sans nul doute agrandis et altérés à une époque plus récente ; c’est une hypothèse appuyée sur l’âge même de la langue dans laquelle ils ont été écrits et sur le développement de certaines légendes qui ont fini par prendre les proportions de systèmes religieux. Quoi qu’il en soit, dans l’ordre des idées, ils se rattachent à la tradition vé-