Page:Pavlovsky - En cellule, paru dans Le Temps, 12, 19 et 25 novembre 1879.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et se fondent enfin en un tout fantastique. Vous vous efforcez de vous rendre compte de sa forme, mais elle vous échappe à chaque instant en ébauchant des contours nouveaux, capricieux, grandioses ou grotesques… jusqu’à ce que le ciel se couvre entièrement de nuages et qu’une demi-nuit grise assombrisse tout de ses teintes lugubres. Il en était de même avec mon pauvre cerveau. Tantôt je restais inerte, sans pensée… tantôt des milliers de pensées changeaient ma pauvre tête en une fournaise ardente. Je prends à tâche de saisir le fil qui les relie entre elles. J’en attrape une : « la veilleuse fume ». Je me presse de penser logiquement à cette circonstance. Je me pose le problème de suivre en idée l’action de la fumée sur l’organisme humain, autrement parlant de me ressouvenir de tout ce que je sais sur ce sujet. J’ai rattaché deux idées ensemble et j’en suis tout heureux. Non, ce n’est rien encore : je suis encore en état de raisonner.

Mes pensées s’embrouillaient tantôt — parce que j’avais mal à la tête et à la poitrine. Les maux de tête proviennent de la stagnation du sang dans le cerveau… cela est plus que prouvé par tout ce que l’on trouve dans les cerveaux de certains morts dont on a fait les autopsies. J’ai vu cela avec Andreief, il y a quelque temps : il s’agissait d’un homme mort par strangulation. Qui était ce mort ? Sa mère vivait-elle encore ? Oui, assurément, il était si jeune. Mon imagination évoque le terrible tableau de ce mort. Comme ses yeux sont glauques et saillants ! Des filets de sang caillé dessinent des traces d’un rouge noirâtre au-dessus de ses narines et de ses oreilles. Ses