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LE THÉÂTRE DU LÉVIATHAN

J’ai déjà dit combien, à cette époque, la nouvelle morale sociale se distinguait profondément de la vieille morale individuelle. Tandis que, quelques siècles auparavant, la morale se basait uniquement sur l’effort qu’un homme devait faire sur lui-même, pour sacrifier ses passions et renoncer aux désirs matériels, il semblait, au contraire, vers 1912, que la morale se socialisait, qu’elle se déterminait plutôt par l’extérieur, qu’elle se localisait peu à peu, non plus dans les individus, mais bien dans les cadres sociaux qui composaient la formidable armature du Léviathan.

Un fossé profond séparait la vie privée de la vie publique. On exigeait tout d’un homme lorsque son acte était celui d’une cellule sociale ; on s’inquiétait peu de ses faits et gestes lorsqu’ils ne compromettaient que sa personnalité indépendante.

Il en résultait, du reste, petit à petit, une sorte d’anesthésie morale, de paresse cérébrale dans les actes de la vie privée. Lorsque l’on rentrait chez soi, on accrochait ses principes au porte-manteau, comme un uniforme, on ne les remettait que pour sortir, pour se mêler à la vie sociale.

Le théâtre donnait une expression exacte de cette transformation. Lorsqu’un auteur se préoccupait, dans sa pièce, du développement des