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PIERRE CAMO

Natif du Roussillon, grandi au flanc des monts Albères, abrupt rameau des Pyrénées, non loin de ce Bas-Languedoc que Ghénier enfant parcourut, M. Pierre Camo a traduit magnifiquement, dans ses deux recueils de poèmes : Les Beaux Jours et Le Livre des liegrets, la splendeur et le coloris de cette terre de fête, chaude et ensoleillée, où croissent les vignes noires. Mais ce que ce poète, exilé de sa patrie, devenu magistrat à Madagascar, a chanté encore,

… avec la même voix
Que dictait Jean Racine au cœur de Bérénice,

ce sont les forêts sombres, l’aveuglante lumière et les sauvages amours d’un monde que Racine n’avait pas connu, mais où Baudelaire devait aborder un jour.

Les roses de l’Émyrne, le tombeau de Gauguin, les hauts plateaux où, sous le vent du Sud, s’effeuillent les fleurs d’Iarive, la grâce ployante et douce des belles Imériennes, voilà les motifs que M. Pierre Camo a surpris sous le ciel des Tropiques et dont il a exprimé, dans une forme sonore, musicale et d’une parfaite beauté, les images exquises et balancées comme un pas de créole.

Ainsi ce voyageur, ce lyrique en qui —— par une rare fortune — Ronsard, du Bellay et Baudelaire s’accordent, a pu témoigner, dans des stances achevées, pleines et gonflées de sève comme un fruit d’Afriqiie, de quels reflets éclatants, de quelles rares et brûlantes images, la poésie veut — par le sortilège insinuant de l’exotisme — s’embellir encore.

Edmond PILON.
LES ADIEUX AU VAISSEAU

Vaisseau qui vas revoir le rivage de France,
Et la blanche Provence, et le ciel boréal,
Que les vents te soient doux, qu’un flot toujours égal,
O vaisseau de mon cœur, t’emporte et te balance !