Page:Payen - Anthologie des matinées poétiques, t. 2, 1927.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
12
les matinées poétiques

Humanité lointaine, où frémit un délire
Qui nous fait hésiter parfois en écoutant
Si nous entendons fuir les hommes ou le temps…

Les pas des inconnus qui s’en vont sur la route,
Et dont les bruits changés dessinent les détours,
Les pas qui vont plus vite accompagnés du doute
Ou qui traînent plus lents quand les retient l’amour,
Ceux qui viennent vers nous, dont nous craignons l’approche
Ceux qui passent très loin, et où l’on entrevoit
Ainsi qu’une prière au son morne des cloches
La forme d’un passant et l’écho de sa voix…
Les pas dans le jardin, tournant près des parterres,
Avec un bruit léger de jupes entraînant
Une branche tombée à travers la poussière,
Et dont le son qui glisse est un écho du vent.
Ceux dont on peut revoir le geste et l’attitude
Dans la chambre, où, croyant être seul, on entend
Passer dans le jardin une autre solitude
Qui se rejoint à nous tout en s’en écartant.
Et la maison où vont parmi les nuits sonores
Les pas dont les paliers nous sont les carrefours.
Et qui passent du soir vers les chambres d’aurore
Où les lampes dans l’ombre ont rallumé le jour.
Leur silence soudain qui entr’ouvre une porte,
La porte qui se ferme avec un bruit d’adieu,
Où glisse doucement l’amour qui les escorte.
Où s’arrête un regret qui part, silencieux.
Et surtout, quand tout dort, les pas de l’insomnie
Frappant comme un appel triste sur les carreaux…
Rêve où passe la mort, songe ou passe la vie,
Les pas s’en vont, par n’importe où vers leurs tombeaux.