Page:Payen - Anthologie des matinées poétiques, t. 2, 1927.djvu/408

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
400
LES MATINÉES POÉTIQUES


C’est vous, quand il vous plaît, qui rappelez vas anges
Et, si l’ombre descend sur mon être avili,
Pourriez-vous m en vouloir d oser piller vos granges.
Quand je n’ai pas d’oubli qui ne soit votre oubli ?

C’est vous qui dispensez à mes sens méprisables
Votre injustice, et votre trouble, et vos erreurs ;
Pourriez-vous me punir des vices qui m’accablent,
Moi qui n’ai de douleurs, au fond, que vos douleurs ?

Et quand enfin, me réservant vos seuls silences,
Vous ne tirez mes cris que de votre remord.
Ne me jugeriez-vous que pour vos défaillances.
Moi dont la mort humaine est encor votre mort ?

Non, j’en suis sûr. Seigneur ; par la fenêtre ouverte
La brise m’a touché d’une telle fraîcheur
Que mon regard, ce soir, plus clair et plus alerte
Pénètre le tumulte où s’égarait mon cœur.

L’immensité du ciel dont chaque astre s’allume
Semble écrire pour moi le flamboyant aveu ;
Je sens que tout l’amour qui m’agite et consume
Est bien l’unique amour et le pardon de Dieu,

J’ai péché, j’ai heurté le sol de mes orages ;
J’ai sali ma faiblesse, insulté ma grandeur ;
J’ai barbouillé de lie honteuse mes visages
Et j’ai fait les tréteaux témoins de ma laideur.

Mais j’ai, surtout, aux jours d’extase salutaire,
Ecouté les ruisseaux, les bois harmonieux ;
J’ai prié, les genoux enfoncés dans la terre.
Des frissons plein ma chair, des larmes plein mes yeux ;

Au quadruple horizon, fier de ma solitude,
J’ai jeté le défi de mon élection,
Et vêtu ma ferveur de tant de gratitude
Que l’univers sombrait dans mon effusion.

Et parce que de mes pâleurs et de mes rides
J’aurai, sans y toujours discerner le meilleur,