Page:Peguy oeuvres completes 01.djvu/111

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qu’ils disent naturellement la vérité ; admettons qu’ils disent la vérité quand on veut bien la savoir.

— Si vous le voulez. Je crois que ce médecin me disait la vérité.

— Mais cette vérité n’était pas flatteuse pour vous.

— Ce médecin n’était pas là pour me flatter, mais nous l’avions fait monter pour qu’il me dît la vérité qu’il saurait de la santé de mon corps.

— Nous en usons plus astucieusement pour les maladies sociales : nous nous gardons soigneusement de dire le peu de vérités que nous savons ; nous risquerions de blesser une organisation nationalement ou même régionalement constituée ; nous risquerions de blesser le Directoire, que nous nommons Comité général, ou quelqu’un du Directoire, ou quelqu’un qui tienne à quelqu’un du Directoire ; nous risquerions de blesser la grande Chambre des députés socialistes, que nous nommons Congrès ; nous risquerions de blesser quelqu’un qui ait été, qui soit ou qui devienne un jour délégué à quelque Congrès ; et puis nous devons respecter les Congrès internationaux, et les Congrès simplement régionaux, et les congrès provinciaux, et les congrès départementaux, et les congrès d’arrondissement, et les congrès cantonaux, et les congrès municipaux, et les groupes, et les groupés, et les arrière-petits-cousins et les fournisseurs des citoyens délégués. Nous avons établi des respects indéfinis, un respect universel. Cela gêne un peu la critique. Mais enfin, nous sommes libres comme sous l’ancien régime, et même, étant intervenu le progrès des mœurs, nous le sommes un peu plus, et pourvu que nous ne disions rien de personne qui tienne ou qui touche à quelque chose… Notre plus grand souci, notre unique