présenter. Comment vous présenter ces nuances parfaitement délicates ? Comment vous conter ces événements doux, menus, profonds et grands ? À peine un roman pourrait-il donner cette impression. Et s’il vous faut un roman, docteur, allez le demander à mes amis Jérôme et Jean Tharaud. C’est leur métier, de faire des romans. Chacun son métier. Continuons la conversation.
— Quelles personnes avez-vous connues encore, mon ami, qui n’avaient pas les mêmes sentiments que vous devant la mort ?
— Je ne saurais, docteur, vous les citer toutes.
— Pouvez-vous m’en citer une au moins dont l’histoire ait fait sur vous plus d’impression.
— Oui, docteur. J’étais tout petit quand cette histoire s’est passée. Aussi ne l’ai-je pas entendue à mesure que je l’ai connue. Quand j’étais petit je l’ai connue et suivie attentivement, parce que je sentais confusément qu’elle était sérieuse. Quand je fus devenu grand je l’ai à peu près entendue. Elle est simple. C’était une pauvre femme, une assez vieille dame, riche, mariée à un officier de l’Empire, qui vivait en retraite, un pur voyou, comme il y en avait tant parmi les officiers de l’Empire. La malheureuse était tombée dans la dévotion. Quand je dis tombée, je cède à l’habitude, car je ne sais nullement si elle en fut remontée ou descendue. Elle devint en proie aux bons Pères, comme on les nommait, qui avaient une petite chapelle dans le faubourg.
— Était-ce déjà les révérends pères Augustins de l’Assomption ?
— Non, citoyen, c’étaient les pères Lazaristes. J’ai connu beaucoup de gens qui croyaient qu’il y a un Pa-