Page:Peguy oeuvres completes 01.djvu/182

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ami, nous n’avons pas à développer cette pensée de Pascal. Nous remarquerons seulement qu’elle ne porte que sur la distance du premier au deuxième ordre, sur la distance des corps aux esprits, et qu’enfin cet écart intéresse beaucoup moins Pascal que la dernière distance du deuxième au troisième ordre, que la distance des esprits à la charité. Au point que dans le morceau que j’ai commencé à vous lire, et que je vais continuer, morceau plus long, sans métaphore, plus important, la distance infinie des corps aux esprits figure seulement la distance infiniment plus infinie des esprits à la charité, car elle est surnaturelle. Et croyez bien que si Pascal avait connu que l’usage de la métaphore déplacerait plus tard dans la mémoire des hommes l’importance qu’il voulait donner respectivement à ces deux distances, il aurait sans doute négligé la métaphore, car il n’était pas homme à préférer la plus belle des comparaisons à la plus infime raison.

Je continue :

« Tous les corps ensemble, et tous les esprits ensemble, et toutes leurs productions, ne valent pas le moindre mouvement de charité ; cela est d’un ordre infiniment plus élevé.

» De tous les corps ensemble, on ne saurait en faire réussir une petite pensée : cela est impossible, et d’un autre ordre. De tous les corps et esprits, on n’en saurait tirer un mouvement de vraie charité : cela est impossible, et d’un autre ordre, surnaturel. »

— J’entends tout cela comme il convient, docteur. Il est vrai que la solidarité socialiste soit en laïcité comme la charité chrétienne est en chrétienté, non moins pro-