Page:Peguy oeuvres completes 01.djvu/199

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nomme respectueusement et familièrement mon grand cousin, et qui moins respectueusement, et plus familièrement, me nomme réciproquement son petit cousin. Cet intitulé tient à ce qu’il est plus vieux que moi et qu’ainsi quand j’étais petit lui au contraire il était grand. Et nous avons continué à nous intituler ainsi d’autant plus commodément qu’il est grand et fort, haut en épaules, tandis que je suis petit et bas. Il est de son métier ouvrier fumiste.

— Ouvrier fumiste ?

— Ouvrier fumiste. Comme le nom l’indique, il travaille à tous les appareils qui produisent de la fumée, aux cheminées, poêles, fourneaux et calorifères. Il ne vient nullement à Paris, comme un lecteur astucieux pourrait l’en soupçonner faussement, pour introduire quelque variété en nos débats. Car nous n’avons que faire de nous varier, docteur ? — Nous ne causons pas pour nous varier, mais nous cherchons la vérité. Il accourt à Paris pour l’Exposition.

— Naturellement, puisqu’il vient de la province.

Il accourt à Paris pour l’Exposition. Universelle. C’est-à-dire interprovinciale, internationale, et aussi intermétropolitaine. On lui a dit qu’il y avait à l’Exposition des cheminées monumentales, sans compter la tour Eiffel, des tuyaux de poêle extraordinaires, des fourneaux compliqués, des chaufferettes agencées pour la plus grande gloire de l’industrie nationale et des calorifères bien faits pour témoigner de la grandeur de l’esprit humain. Comme homme, comme Français, comme fumiste, mon cousin accourt à l’Exposition, déjà glorieux de la gloire commune et de la gloire professionnelle. Mon grand cousin est un garçon qui