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INTRODUCTION

introduit chez mes aïeux, les onze ou douze ans d’instruction et parfois d’éducation catholique sincèrement et fidèlement reçue ont passé sur moi sans laisser de traces. »

Lorsqu’il émet cette assertion déconcertante, il est, comme toujours, d’une sincérité complète. Au moment qu’il la lance, il n’a devant les yeux que le but visé : tout le reste est aboli.

Déjà pourtant il a écrit sa Jeanne d’Arc, sa première sans doute, où il ne laissera pas toutefois de puiser bien des traits pour son Mystère de la Charité de Jeanne d’Arc. Déjà il est le traditionaliste tourné d’instinct vers le passé pour y appuyer l’avenir.

Il professe « une aversion sincère de la démagogie. »

Il ne se borne pas à la détester. Il lui dit son fait. Avec quelle verve cinglante, quelle profondeur de mépris ! Écoutez-le, faisant parler l’électeur :

« J’ai tort, j’ai tort, mais savez-vous, monsieur, que vous êtes un homme singulier. Vous êtes nouveau, vous. Vous êtes un homme qui a de l’audace. Vous m’enseignez des mots nouveaux. Un mot nouveau. Vous prétendez que j’ai tort. Savez-vous que vous êtes le premier qui ait osé me dire que j’ai tort. Quand je vais trouver les conseillers municipaux de mon pays, au moment des élections, ils ne me disent pas que j’ai tort ; ils me disent toujours que j’ai raison, qu’ils sont de mon avis, qu’il faut que je vote pour eux. Jamais un conseiller d’arrondissement ni un conseiller général ni un député ne m’a dit que j’avais tort. »

Savourez maintenant ce guide-âne du candidat :

« Il faut faire croire aux électeurs que leur compa-

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