Page:Peguy oeuvres completes 01.djvu/298

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pas cette sommation adressée aux bourgeois de redevenir hommes. Je n’y trouve pas surtout ces chaudes paroles d’encouragement répandues sur les bonnes gens de province qui luttent, solitaires, contre l’oppression qui les étreint.

Enfin, alors que nous n’avons pas trop de tous nos efforts, et de nos maigres ressources pour combattre les forces du passé, plus menaçantes que jamais, tu nous annonces que tu vas publier des romans ! des romans, comme si la réalité n’était pas assez tragique et que nous avions —

Ayons ?

avions le temps de nous intéresser à des fioritures de phrases et à des divertissements d’esthètes !

— Il faut : comme si la réalité n’était pas — — et comme si nous avions — — — ou bien : comme si la réalité n’était pas — — et que nous ayons. Ce n’est pas la fioriture d’esthètes, mais bonne et grosse grammaire française. Avez-vous bientôt fini ?

— Je ne me flatte pas de te convaincre. Je crains que tu n’aies ton siège fait. Mais je te préviens que si ton prochain cahier doit ressembler au précédent, il est inutile que tu me l’envoies.

J’écris cette lettre pour toi et non pour tes lecteurs. Je ne veux donc pas que tu la publies.

— Cela est raide. Nous verrons ce que nous y dirons. A-t-il fini ?

— Ton ami qui regrette que tu fasses un si mauvais usage de tes qualités naturelles.