Page:Peguy oeuvres completes 01.djvu/328

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fassent provisoirement de l’exercice militaire. Je dirai toute ma pensée : il me paraît indispensable que certains socialistes révolutionnaires fassent de l’action politique, parce que s’ils n’en faisaient pas toute l’action politique, dont l’effet me semble indéniable, retomberait toute pour écraser la révolution sociale et même la préparation de la révolution sociale. On me répond que la politique est un sale métier. Nous savons qu’il y a dans la société bourgeoise beaucoup de sales métiers, inévitables. Nous avons donc la plus grande et la plus sincère gratitude pour les citoyens qui veulent bien assumer ces métiers sacrifiés. Je le dis sérieusement : j’ai la plus vive et la plus profonde reconnaissance pour les citoyens qui veulent bien faire de la politique. J’ai aussi, comme Français, de la reconnaissance pour les pauvres bougres de soldats et d’officiers, quand ils sont honnêtes et bons citoyens. Mais je ne consens pas qu’il advienne au socialisme révolutionnaire la contamination qui est advenue à la nation française. La nation française avait une armée. Il était inévitable que la nation française eût une armée. Il était inévitable, dans la situation de concurrence internationale bourgeoise indéfiniment surexcitée où l’Europe se crève, il était inévitable que la nation française eût une armée, c’est-à-dire que pendant certaines années certains citoyens fissent leur métier de la préparation technique aux travaux de la guerre. Mais qu’est-il advenu ? et c’est ici, vous m’entendez, qu’intervient ce que je nomme la contamination. Les citoyens qui se préparaient aux travaux déplorables de la guerre, au lieu de garder précieusement en eux l’esprit de la cité, se laissèrent contaminer par les passions qui naissent malheureusement de la guerre. Et il