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INTRODUCTION

Les morts mènent les vivants.

Nous avons besoin de nous le redire pour adoucir notre douleur et nos regrets.

Péguy avait tant de projets en tête : que de pages en ses cahiers portent l’indication, l’esquisse d’autres cahiers qu’il veut écrire plus tard.

Ils ne seront jamais écrits.

En l’arrachant aux luttes quotidiennes qui épuisent et amoindrissent même les plus nobles combattants, sa mort, cette mort si digne de sa vie, si harmonieuse et si belle, sacre Péguy et lui confère une autorité dont par delà le tombeau il servira encore ses idées et son pays.

L’heure n’a pas sonné où il sera permis sans imprudence, sans risquer d’affaiblir l’union nécessaire, de remuer les problèmes que demain aura pour tâche de résoudre.

On ne se trompe pas cependant en pensant que le souci unanime, à cette heure-là, de tous les bons Français, sera, pour parler comme Péguy, « que la France se refasse et se refasse de toutes ses forces ».

Tant de sang pur versé, tant de fécondes existences brisées ne l’auront pas été en vain.

Si l’union s’est établie si rapide et si forte entre tous les Français c’est que, sous des formes diverses, ils poursuivaient l’Idéal dont des siècles de civilisation commune leur apprirent à rêver la conquête.

Catholiques, révolutionnaires, ils étaient, pour reprendre une idée et une formule chères à Péguy, les dévots d’une mystique.

Armés les uns contre les autres, l’agression barbare leur dessilla les yeux : ils se rapprochèrent pour

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