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Saint Éloi

La Voulzie, est-ce un fleuve aux grandes îles ? Non !
Mais avec un murmure aussi doux que son nom,
Un tout petit ruisseau, coulant visible à peine ;

Dagobert

Un géant altéré le boirait d’une haleine ;
Le nain vert Obéron,

— Tu vois bien qu’il existe.

Saint Éloi fait un signe de dénégation.

Dagobert insiste, et, levant en courbe l’index de la main gauche :

Le nain vert Obéron, jouant aux bords des flots,
Sauterait par dessus, sans mouiller ses grelots.

Saint Éloi, voulant rompre la conversation :

Mais j’aime la Voulzie, et ses bois noirs de mûres,
Et, dans son lit de fleurs, ses bonds et ses murmures ;
Enfant, j’ai bien souvent, à l’ombre des buissons,
Dans le langage humain traduit ses vagues sons ;
Pauvre écolier rêveur, et qu’on disait sauvage.
Quand j’émiettais mon pain à l’oiseau du rivage,
L’onde semblait me dire : « Espère ! aux mauvais jours,
Dieu le rendra ton pain ! » Dieu me le doit toujours !