Page:Peguy oeuvres completes 01.djvu/450

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Le nain vert Obéron, jouant au bord des flots,
Sauterait par dessus sans mouiller ses grelots ;

Saint Éloi, seul :

Mais j’aime la Voulzie, et ses bois noirs de mûres,
Et, dans son lit de fleurs, ses bonds et ses murmures ;
Enfant, j’ai bien souvent, à l’ombre des buissons,…

Saint Éloi, enhardi par la beauté des vers, ferme, sec, résolu, volontaire ; comme un vieux professeur très doux, très patient, très têtu :

— Je suis un scolaire, sire, et je m’en vante. Nulle connaissance ne vaut pour moi la certitude et la beauté d’un beau texte. Nulle beauté ne vaut la beauté d’un texte. Que me fait à moi votre histoire de manœuvres ? Je n’ai pas besoin d’avoir mangé du cervelas sous la pluie épaisse et fatigante, vautré sur la courte berge d’un ruisseau commun de Brie, dans l’herbe flasque souillée vaseuse, pour savoir ce que c’est que la Voulzie. Entendez-moi, sire. Je vous l’ai dit avec la fermeté respectueuse que je vous dois. Je n’ai pas besoin d’avoir vu la Voulzie commune et sale pour savoir ce que c’est que la Voulzie. Entendez-moi. Je vous l’ai dit. Je n’ai pas besoin de voir la Voulzie mouillée. Je connais la Voulzie beaucoup mieux que vous ne l’avez jamais connue. Je la connais assez par les vers d’Hégésippe Moreau.

Le roi se tait.

Saint Éloi, non moins ferme et honnête :

— Je vous le répète. Je n’ai pas besoin d’être sous-lieutenant de réserve d’infanterie, au soixante-seizième de l’arme, pour savoir ce que c’est que la Voulzie. Et