Page:Peguy oeuvres completes 01.djvu/452

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à peu près que des vers ce n’est pas de la prose, parce qu’ils en ont appris par cœur au collège ou à l’école. Mais sache qu’ils ont appris par cœur sans entendre et sans lire ce qu’ils récitaient.

Vous les scolaires, —

Ici saint Éloi redressa fièrement la tête.

Vous les scolaires, au fond, ce qui vous ennuie, c’est qu’il y ait des réalités. Quelle aubaine, si cette Voulzie pouvait n’exister pas. Gomme vous seriez à l’aise, pour en parler. Quelles admirables conjectures. Industrieuses. Quelles ingénieuses conjectures fonderaient quelles réputations. Cette Voulzie, qui existe, vous embête. Elle vous arrache le pain de la bouche. Pour vous la Voulzie est un morceau de poème, un mot de vers. Elle se définit par le poème où elle figure, elle sonne par le vers où elle est. Elle n’existe que par l’œuvre où elle fait sa partie. Vous la connaissez mieux par ce poème que je ne la connais, moi qui ai vu dedans comme une motte de terre jetée faisait des ronds et du trouble. Vous savez toujours tout mieux que nous. Et toi, mon ami, sous prétexte que tu fus mon précepteur quand je n’étais que le dauphin du royaume encore, tu sais toujours tout mieux que moi. J’ai vieilli, mon ami, depuis l’âge que je recevais tes leçons. Nous avons vieilli. J’ai connu des réalités qui n’étaient pas dans nos vieux livres de classe. Éloi, j’ai connu des hommes qui ne te ressemblent pas. Heureusement qu’il y a deux races d’hommes. Et j’ai connu la deuxième race des hommes. J’ai connu des hommes qui ne connaissent pas par des livres. J’ai connu les hommes qui connaissent les réalités. J’ai connu aussi les hommes qui ne connaissent rien. Hommes merveilleux. Hommes sin-