Page:Peguy oeuvres completes 01.djvu/77

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seulement des gardiens paisibles aux habits bleus ou verts, gardiens de squares et jardins. Tout à coup un grand cri s’élève à cinquante pas devant nous : Vive la République ! Nos prédécesseurs ont oublié Mercier. Nous-mêmes sommes saisis devant la République de Dalou et nous crions comme eux : Vive la République. Ce n’était pas vive la République amorphe et officielle, mais vive la République vivante, vive la République triomphante, vive la République parfaite, vive la République sociale, vive cette République de Dalou qui montait claire et dorée dans le ciel bleu clair, éclairée du soleil descendant. Il était au moins quatre heures passées. Tout cela en un seul cri, en un seul mot : Vive la République, spontanément jailli à l’aspect du monument, cri condensé où l’article la recouvrait sa valeur démonstrative. Aussi quand le monument se leva pour nous, clair et seul par-dessus l’eau claire du bassin, nous n’avons pas vu les détails de ce monument, nous n’avons pas vu les détails de la place. Nous n’avons pas vu les deux anciennes colonnes du Trône, si libéralement attribuées par les journalistes à Charlemagne, à Philippe-Auguste, et à Saint Louis. Nous avons vu le triomphe de la République et nous n’avons pas vu les moyens, les artisans de ce triomphe, les deux lions attelés, le forgeron, madame la justice et les petits enfants. La République triomphante, levée sur sa boule, s’isolait très bien de ses serviteurs et de ses servantes. Nous l’acclamions, nous la voyions seule et haute, et nous passions au pas accéléré, car il fallait que le fleuve de peuple coulât. Quand nous voudrons regarder à loisir le monument de Dalou, nous retournerons à quelques-uns place de la Nation, et nous emporterons dans nos