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commode. Son assurance lui était familière. Il avait une impuissance admirable à s’étonner de ce qu’il faisait, une extraordinaire fraîcheur à s’étonner de ce que l’on faisait de laid, de mal, de sale. Il trouvait tout à fait ordinaire tout ce qu’il avait fait, tout ce qu’il venait de faire, tout ce qu’il ferait. « Rien », dit Pascal, « n’est plus commun que les bonnes choses : il n’est question que de les discerner ; et il est certain qu’elles sont toutes naturelles et à notre portée, et même connues de tout le monde. »[1]

Il me dit la tristesse qu’il avait de l’abandon où les socialistes laissaient les rares défenseurs de la justice. Il pensait à la plupart des députés, des journalistes, des chefs socialistes. Il ne connaissait guère qu’eux. Je lui répondis que ceux qui l’abandonnaient ne représentaient nullement le socialisme. — « J’ai reçu », me dit-il, beaucoup de lettres d’ouvriers de Paris, une lettre qui m’est allée au cœur. Les ouvriers sont bons. Qu’est-ce qu’on leur a donc fait boire pour les rendre ainsi ? Je ne reconnais plus mon Paris. »

Je ne l’ai plus revu. Mais je l’ai retrouvé dans ses actes et dans ses œuvres.

Cette Lettre au Président de la République ne fit scandale que parce que le public ne savait rien. À présent que nous sommes renseignés, c’est une surprise de la relire. Elle n’est pas scandaleuse. Elle est profondément révolutionnaire. Mais elle est modeste, et même un peu humble. Zola lui-même l’a fort bien jugée à son retour : « Et voilà que ma pauvre Lettre n’est plus au point, apparaît comme tout à fait enfantine, une simple

  1. De l’esprit géométrique.