Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/124

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vie devient illégitime. On a beaucoup trop salué Fécondité comme un livre nouveau[1], comme le livre d’une génération nouvelle, comme le Livre d’un âge nouveau. Laurent Tailhade salue cette « annonciation des temps futurs pour un monde nouveau »[2]. Hélas non ! Ce livre est un livre ancien, cet évangile est un livre conservateur, indifférent au salariat comme l’Évangile de Jésus fut indifférent à l’esclavage.

En admettant qu’il y ait un droit du premier occupant, le premier occupant n’a le droit d’occuper que sa part, il n’a pas le droit de préoccuper des plaines. Et surtout il ne peut y avoir droit du premier occupant que sur ce qui n’est pas occupé. Or cette race glorieusement envahissante occupe, — sans faire attention, — des biens qui ne sont nullement tombés en déshérence. Deux fils de Mathieu, successivement, envahissent l’usine, la maison initiale. Beauchêne, l’usinier, tombe en épaisse déliquescence. Alors les représentants de la santé s’emparent normalement de la richesse constituée par cette usine. Il ne leur vient pas un seul instant à la pensée que ce dont ils s’emparent n’était pas même à ce malheureux Beauchêne, qu’ils font l’usurpation d’une usurpation, la spoliation d’une spoliation, que tous les samedis soir, à l’heure de la paie, sous le gouvernement normal d’un Froment, les ouvriers sont aussi ponctuellement volés qu’ils étaient volés sous le gouvernement malade de Beauchêne. C’est pour n’avoir pas fait, au seuil de leur vie nouvelle, cette simple

  1. Relire dans la revue blanche l’article déjà cité de Gustave Kahn.
  2. Venus Victrix, dans la Petite République du mercredi 25 octobre.