Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/136

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poème, se sont ennuyés de ces recommencements. J’ai peur que ceux-là ne s’ennuient aussi des inévitables recommencements de la vie. « Deux ans se passèrent. »

Profondément sincère à cet égard comme à tous les égards, l’œuvre n’est pas entièrement ni exactement réaliste. Il y a plusieurs maladresses. Au commencement du roman, Mathieu doit « passer chez le propriétaire lui dire qu’il pleut dans la chambre des enfants ».[1] Quand il est rentré le soir, après une journée de laideurs et de tentation, il se plaint : « Ça n’empêche pas que nous sommes ici dans une masure, et que, s’il pleuvait encore cette nuit, les enfants seraient mouillés. »[2] Ceci est maladroit, inexact. Chez les pauvres gens la distinction entre la chambre des parents et la chambre des enfants n’est nullement capitale, comme chez les riches. En attendant que la réparation soit faite, le papa et la maman n’ont qu’à transporter dans leur chambre les lits des petits. Mathieu, suivant comme il fait le protocole du locataire, n’est ni vraiment père, ni vraiment révolutionnaire, ni vraiment pauvre. Marianne laisse à la maison ses quatre enfants endormis pour aller le soir, très tard, au devant de Mathieu. Naturellement la vieille servante, Zoé, s’endort avec les enfants sur qui elle doit veiller.[3] Ou cela n’est pas vrai, ou cela n’est pas bien. Je crois surtout que cela n’est pas vrai. Marianne, si nous en croyons Zola, vaut beaucoup mieux. Mathieu aussi, du moins je l’espère,

  1. Fécondité, page 2.
  2. Fécondité, page 96.
  3. Fécondité, pages 82 et suivantes.