Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/153

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campagne, pour moi socialiste, c’est son instrument de travail ; et je ne connais pas que l’on en puisse rien dire qui soit plus respectueux et plus honorable que ceci, que c’est un instrument de travail ; car je ne connais rien de plus respectable et de plus honorable qu’un instrument de travail ; aucune cérémonie cultuelle ne me paraît plus respectable et plus honorable que le simple travail humain ; si donc une voiture habituelle, d’un médecin de campagne, est un instrument de travail, et nullement un objet sacré, un objet de cérémonie religieuse, le jour que le médecin ne travaille pas, parce qu’il est mort, laissez reposer aussi ses instruments de travail ; et que son vieux cheval en paix se repose dans son écurie ; ce cheval n’est point un cheval de bataille, un cheval d’armes ; c’était un cheval qui traînait une voiture ; soyons simple ; restons simples et professionnels ; restons peuple ; soyons hommes de métier ; nullement cérémonieux ; restons pragmatiques ; je ne comprends pas qu’une lanterne soit allumée, si on veut la voiler ; ou qu’une lanterne soit voilée, si nous l’avons allumée ; les pompes funèbres ne sont pas considérables, à moins que de mettre en mouvement six divisions d’infanterie, l’artillerie de corps, et une division de cavalerie indépendante ; mais ni les six divisions d’infanterie, ni l’artillerie de corps, ni la division de cavalerie indépendante ne valent un modeste cortège de simples amis conduisant leur ami, sans lanternes, en plein jour ; les lanternes étaient faites pour éclairer les routes et les chemins, la nuit, dans les boues d’automne et dans les gelées d’hiver, quand le docteur, vivant, dans sa Sologne plate ou dans son val de Loire, allait visiter ses malades.