Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/192

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que les antidreyfusistes, qui avaient tort ; ou plutôt ils remplaçaient le talent accoutumé par un certain génie propre, qui était celui de la liberté, de la justice, de la vérité ; et même les mêmes hommes, selon qu’ils étaient ou n’étaient pas dreyfusistes, selon qu’ils entraient et demeuraient dans le dreyfusisme, ou au contraire qu’ils en sortaient, et demeuraient dehors, les mêmes hommes recevaient et conservaient ce génie propre, ou le perdaient et redescendaient du génie au talent, quand même ils n’y perdaient pas le simple talent ; pour la correspondance, pour la communication du dreyfusisme au génie propre du dreyfusisme, ces hommes étaient à eux-mêmes leurs propres témoins, au sens que l’on donne à ce mot dans les expériences de laboratoire.

On observerait un phénomène analogue et de tout point comparable, étudiant les ravages de la politique parlementaire ; les mêmes hommes ont un talent et même un génie propre quand ils se meuvent dans le domaine de la morale, quand ils défendent la liberté ; la justice ; la vérité ; l’humanité ; le travail ; les mêmes hommes n’ont ni talent ni génie, descendent du génie au talent, ou du talent à rien du tout, quand ils se meuvent dans le domaine de la politique, parlementaire, quand ils défendent, quand ils veulent imposer l’autorité de commandement, l’autorité de gouvernement, l’autorité d’État, le dogme, le combisme.

Les orateurs alors deviennent inéloquents et rhéteurs, les conférenciers bafouillent, les écrivains écrivent comme des journalistes, et les journalistes comme des savates. Les exemples abondent.

Il y a là non pas sans doute l’effet d’une justice imma-