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Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/228

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qu’elles ont atteint leur perfection relative, de commencer à se démolir.

Quel historien contemporain, quel petit-fils, quel petit-neveu du vieil homme ne reculera de saisissement devant de telles affirmations, devant de telles présomptions, devant cet admirable et tranquille orgueil, devant ces certitudes et ces limitations ; une humanité Dieu, si parfaitement emplie de sa mémoire totale qu’elle n’a plus rien à connaître désormais ; une humanité Dieu, arrêtée comme un Dieu dans la contemplation de sa totale connaissance, ayant si complètement, si parfaitement épuisé le détail du réel qu’elle est arrivée au bout, et qu’elle s’y tient ; qui au besoin, parmi les historiens du temps présent, se désavouera les ambitions de l’aïeul et qui ne les traitera de chimères et d’imaginations feintes ; qui ne les reniera, car nous n’avons pas toujours le courage d’avouer nos aïeux, de déclarer nos origines, et de qui nous sommes nés, et d’où nous descendons ; les jeunes gens d’aujourd’hui ne reconnaissent pas toujours les grands ancêtres ; ce ne sont point les pères qui ne reconnaissent pas leurs fils, mais les fils qui ne reconnaissent pas leurs pères ; et comme nos politiciens bourgeois ne reconnaissent pas volontiers leurs grands ancêtres de la révolution française, ainsi nos modestes historiens ne reconnaissent pas toujours leurs grands ancêtres de la révolution mentale moderne, les innovateurs des méthodes historiques, les créateurs du monde intellectuel moderne ; et puis, depuis le temps des grands vieux, nous avons reçu de rudes avertissements ; pour deux raisons, l’une recouvrant l’autre, nul aujourd’hui n’avancerait que toute l’histoire du monde est sur le point d’aboutir, nul