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Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/246

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proportion de la part que nous avons prise à l’édification de l’idéal. L’œuvre de l’humanité est le bien ; ceux qui auront contribué au triomphe du bien fulgebunt sicut stellæ. Même si la Terre ne sert un jour que de moellon pour la construction d’un édifice futur, nous serons ce qu’est la coquille géologique dans le bloc destiné à bâtir un temple. Ce pauvre trilobite dont la trace est écrite dans l’épaisseur de nos murs y vit encore un peu ; il fait encore un peu partie de notre maison.

Eudoxe.

« Votre immortalité n’est qu’apparente ; elle ne va pas au delà de l’éternité de l’action ; elle n’implique pas l’éternité de la personne. Jésus aujourd’hui agit bien plus que quand il était un Galiléen obscur ; mais il ne vit plus.

Théoctiste.

« Il vit encore. Sa personne subsiste et est même augmentée. L’homme vit où il agit. Cette vie nous est plus chère que la vie du corps, puisque nous sacrifions volontiers celle-ci à celle-là. Remarquez bien que je ne parle pas seulement de la vie dans l’opinion, de la réputation, du souvenir. Celle-ci en effet ne suffit pas ; elle a trop d’injustices. Les meilleurs sont ceux qui la fuient. Tamerlan est plus célèbre que tel juste ignoré. Marc-Aurèle n’a la réputation qu’il mérite que parce qu’il a été empereur et qu’il a écrit ses pensées. L’influence vraie est l’influence cachée ; non que l’opinion définitive de l’histoire soit en somme très fausse ; mais elle pèche tout à fait par la proportion. Tel innomé a