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Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/26

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sait tout autour de lui et des Cahiers. Je m’obstine dans mon point de vue, et je dis que sans le savoir Péguy fondait un ordre. Il était né pour être le cœur et le foyer de quelques centaines d’hommes de bonne volonté que jadis il eût groupés dans une congrégation et dont nos mœurs ne lui permettaient plus que de faire des abonnés. À mesure que la vie s’écoulait il a eu des sévérités, des haines même, et chaque fois contre des gens qui l’avaient, disait-il, trompé, c’est-à-dire qui avaient manqué à la représentation qu’il s’était faite d’eux, bref qui s’étaient dérobés à la mission qu’il leur assignait. Ceux-là, il les rejetait proprement dans l’enfer. Tels Jaurès et Lucien Herr au moment du Combisme.

Puisque je cherche comment, à l’École Normale, il se développait, je dois noter qu’il s’occupait des pauvres. On trouvera des détails à ce sujet dans la préface de Monseigneur Batiffol au volume de J. Lotte. Péguy éprouvait pour les pauvres une tendresse à la saint Vincent de Paul. Il ne choisissait pas ; il leur donnait tout ce qu’il avait, tout ce qu’il gagnait par quelques répétitions. Ses amis l’ont connu tout un hiver sans pardessus. Il ne pouvait pas voir la misère. Quand il n’avait rien à donner, il passait son pauvre du jour à quelque ami.

Pourtant rue d’Ulm, il se sentit moins à l’aise qu’au lycée et qu’au régiment. Il avait trop le goût de la discipline, l’aimait trop sur lui et sur les autres pour s’accommoder de cette maison libérale. Et puis il avait l’autoritarisme d’un jeune être qui croit posséder la vérité. L’École était divisée entre un parti catholique qui s’appuyait sur Ollé-Laprune et un parti socialiste